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Il ne s’agit pas ici de travail. Quel vilain mot travail. Travailler. Exploiter. Ouvrier. Productivité. Rentabilité. Capitalisme. Crever. Je ne travaille pas. Je fais. J’agis. J’élabore. Je provoque. Coincée. Confinée. Dans mes 15 m2. Enfermée dans ma bulle. Silencieuse. Graveleuse. Aillé. Musicale. Cotonneuse. Miaulante. Juteuse. Érotique. Abondante. Solaire. Dansante. Sensuelle. Rougeoyante. Pluvieuse. Bruyante. Rêveuse. Exciter mes synapses. Irriter mes neurones. S’ouvrir quand le repli sur soi est imposé. Se connecter. Faire sens. Faire racine. Appartenir. Rencontrer l’autre. Les autres. L’art est un acte. Politique. Féminin. Inutile. Féministe. Sans maître. Un cri. Un remède. Un constat. Une liberté. Je m’évade. J’imagine. Je résilience. J’enfile ma peau authentique. Loin du brouhaha. Tout est possible. Libéré. Libre. Amour. À mi-chemin. Joie. Joufflue. Je m’aime. J’aime. Je preuve d’amour au quotidien. Et quel quotidien ? Qui sort de l’ordinaire. Qui frôle l’extraordinaire. C’est ma seule réponse possible.  

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Je pensais voir un concert. Je pensais voir des artistes. Je pensais écouter de la musique. J’ai vu Jack Black nous donner des conseils “sport”, dans sa magnifique baraque, avec une rampe de skate, une piscine, un immense jardin et son gros frigo à l’américaine. Je suppose que c’était pour rire. J’ai entendu Matthew McConaughey nous expliquer que cette crise touchait indifféremment les gens de toutes classes sociales. Je suppose que c’était pour rire. J’ai vu David Beckham donnait des conseils à des parents au bout du rouleau. Je suppose que c’était pour rire. J’ai vu Pierce Brosnan nous expliquait comment gérer notre confinement. Je suppose que c’était pour rire. J’ai entendu beaucoup de “vous”. Un “vous” culpabilisateur. Un ”vous” méprisant. Un “vous” qui divise le monde alors que l’on est “one world”. Vous devez vous laver les mains. Vous devez respecter la distance sociale. Vous devez rester à la maison. Et si tu crèves de faim… J’ai envie de dire, tant pis. Faut bien mourrir de quelque chose. Par contre, nous devons tous être unis. Nous devons nous soutenir les uns, les autres. Nous devons donner de l’argent pour le système de santé de demain. Et ça entre chaque chanson…

Attention : “Ceci n’est pas une levée de fond, je répète, ceci n’est pas une levée de fond, mais, vous pouvez quand-même donner de l’argent au…”

Je me suis arrêtée, j’avoue après 4h58 de visionnage. J’ai trouvé que c’était culpabilisant. J’ai trouvé que c’était angoissant. J’ai trouvé que c’était triste. J’ai trouvé que c’était irritant. Alors, oui, c’est bien de soutenir les travailleurs de tout bord qui sont au front jour après jour… Et je leur dis “with the bottom of my heart thank you and stay safe !” Oui, c’est bien de s’unir et de se réunir virtuellement pour un live musicale, (euh, après il y en a plein qui n’était pas vraiment en live…). Oui, j’applaudis l’initiative et il n’est même pas 20 heures. Peut-être que la décence est parfois de mise. Peut-être que le ton paternaliste n’est pas le bon. Peut-être que l’on est “one world”, mais dans les faits on est plusieurs réalités. Peut-être. Peut-être que se faire donner la leçon par une majorité de riches blancs célèbres, sans analyse de leur privilèges, en ces temps difficiles, n’est peut-être pas si judicieux que ça. Peut-être.

Attention : “Ceci n’est pas une levée de fond, je répète, ceci n’est pas une levée de fond, mais, vous pouvez quand-même donner de l’argent au…”

J’ai aussi vu des artistes qui y croyaient. Si, si, c'est vrai ! J’ai aussi vu des gens inspirants. J’ai aussi vu des gens trouver des solutions. J’ai aussi vu des gens prendre soin des autres. J’ai aussi vu des gens qui risquent leur vie. J’ai aussi vu des simples citoyennes et citoyens en action. Des gens ordinaires en somme. Vous, moi, le voisin du quatrième ou la patronne d’en bas. Alors, je me demande, mais, que font les politiciens ?

Attention : “Ceci n’est pas une levée de fond, je répète, ceci n’est pas une levée de fond, mais, vous pouvez quand-même donner de l’argent au…”

 

#oneworldtogetherathome

Confinée, barbouillée de confiture (à la fraise), je suis déconfite. Les cons sont de partout. Ils m’entourent. Mes cons à moi, je vis avec. Hélas. Mais, je ne me suis pas offert le luxe de les choisir. Non, c’est surprise en pochette. Tiré à pile ou face. Toast face confiture sur sol. Je gagne pas à tous les coups. Fraise sur le gâteau (ou la tartine) ! Selon. Vivre ensemble avec des inconnus ou partager mon toast tombé face contre terre a provoqué une illumination barbouilleuse ! Je construis ma vie sociale autour de croyances communes : l’amour des chats, les pouvoirs de wonder woman, l’association de la banane et du beurre de cacahuète en toute circonstance, les vraies carottes poussent en pleine terre, bref. Un consensus de partage de tartines organisé en bande. Sans être forcément d’accord sur tout. C’est la merde. Putain ! Je partage ma tartine de confiture à la fraise avec des personnes qui n’ont pas les mêmes croyances que moi. Ils sont des cons pour moi. Je suis une conne pour eux. Ni supérieur. Ni inférieur. Les barquettes en plastique se mettent dans la poubelle organique. La porte d’entrée se claque très très fort surtout vers deux heures du matin. Les lumières sont toujours allumées, surtout quand personne n’est là. Les produits périmés se conservent bien mieux au frigo. Les mains ne se lavent pas, avec ou sans raison valable. La chasse qui coule n’est absolument pas une raison pour arrêter l’eau. Confinée, barbouillée de confiture (à la fraise), je suis déconfite.

Je marche rapidement. Je dois sortir. C’est une obligation. Une nécessité. Ce n’est pas juste par plaisir. Je marche avec un but précis. Je suis en mission. Je marche vite. Très vite même. Plus de 6 km / heure. Je vois une femme au loin qui promène son petit chien. Elle se retourne sans arrêt pour voir ma progression. Il n’y a rien d’autre à regarder. On est dans les bois pourtant. Sur un ravel. C’est calme. Il fait beau. Les oiseaux chantonnent. Elle jette des coup d’oeil au dessus de son épaule. Je l’ai prise en filature. Elle marche avec d’autres gens. Je ne sais pas s’ils se connaissent. Elle, elle est plus en arrière. Il y a une femme avec son père. Son père a des difficulté à marcher. Il a un gadot. Il le pousse en faisant la causette à sa fille. Sa fille me voit arriver. Elle saisit son père par le bras et le fout dans le décor pour m’éviter. Je suis une grosse cylindrée qui sème la terreur au milieu des passants. Pourtant, je ne les frôle pas. Pourtant, je garde mes distances. Pourtant, je veux juste faire un signe, dire bonjour, vous savez comme on faisait avant.

Je mange par terre. Je minimaliste. Je mange par terre sur un coussin. Le dos bien droit. Assise en tailleur. Ou en demi lotus. Aujourd’hui. Il fait beau. Il y a du soleil. Du silence. Beaucoup de silence. Les oiseaux offrent un concerto qui pourrait presque être casse-couille. Enfin, si on se concentre dessus. J’ai mes deux chats en bain de soleil. Ce sont des chats du sud. Ils comprennent pas la pluie et la grisaille. Alors, je prends mon coussin. Je prends mon plateau. Et je vais dehors. Je pique nique. Du cake aux olives et au comté. De la salade de jeunes pousses d’épinard avec de l’ail, de l’huile d’olive et un mélange de baie. Un smoothie à la banane, au beurre de cacahuète et au lait d’amandes. Mes chats roucoulent. Ils se tortillent autour de moi. Ils sont ravis. Je ferme les yeux. Je déguste le soleil sur mon visage. Je sniffe avec gourmandise les effluves du vent. Je, touchée en plein coeur.

La peur occupe les esprits. Les premiers amis sont positifs. Par contre, un vent optimiste s'engouffre en Chine. 

 

Fatalement, la mort plane au dessus de nos têtes. Invisible. La mort est toujours invisible. Je ne sais pas si vous aviez remarqué. Les virus aussi, paraît-il. Mais seulement à l’oeil nu.

 

Les mots me manquent. À ne plus parler, je m’y perds. Puis de toute façon, qu’est-ce que je peux dire ? J’ai rien à ajouter.

 

Je n’ai pas peur de mourir. Cette peur ne fait pas partie de moi. Moi, je suis morte, il y a bien longtemps maintenant. Moi, j’avais peur de vivre. C’est un autre mal, avoir peur de vivre. Vivre, c’est compliqué. Il parait. Mais pas plus que mourir. Juste que vivre, c’est radicalement différent. Vivre, c’est difficile. J’ai appris. J’ai pris des chemins de traverses surtout ceux ornés d’orchidées. Alors, ça m’a pris un peu de temps. Et j'ai compris que c'est nous qui sommes compliqués. Pas la vie. On nait. On vit. On meurt.

 

Je vis à plein nez. Je sérénade mes chats. Je cours. J’ondule. J’écris. Je crie. Je désorganise. Je me dore au soleil. Je trie. Je cuisine. Je râle. Je tempête. Je donne. Je coordonne. Je pestifère. Je marche. Je jette. Je dis Bonjour. J’ignore. J’écoute. Je lis. Je minimaliste. Je me donne des rendez-vous. Parfois, j’ose même être en retard. Je pars. Je quête. Et j’enquête sur mon moi profond.

 

Digression en JE. Narcissisme narratif. Tout ce qui compte : c’est moi. Moi. MOI. Rien que moi. 

 

Un moi en isolement est-il toujours un moi ? 

 

Est-ce que je suis toujours en vie, si mon moi n’est pas confronté aux mois des autres ? Parce qu’un moi qui se raconte, c’est un moi qui se la raconte, non ? 

 

Je suis un moi qui propage ma vérité. Mon moi égotique est un peu comme un virus à éradiquer. Je suis un moi pandémique. Pourtant, je vous assure, j’ai tout arrêté. 

 

Je… Lenteur. Confinée. Disjointe. Mon rapport au temps est bouleversé.

 

Ce n’est pas une crise. C’est une catastrophe. Sans vouloir catastropher, c’est catastrophique. Une crise et ça repart. Une catastrophe et c’est un bouleversement total.

 

Quelles seront alors les nouvelles normes ? La distance sociale ? Le télétravail ? L’accumulation de pâtes ? L’abandon de la bise ? La pénurie d’oeufs ? Les amendes pour être sortis sans autorisation ? La connerie des politiques ? Ha non, ça, ça a toujours existé. La géolocalisation généralisée ? Les drones qui surveillent de près, de très très près ? 

 

Après le manque de préparation face à un risque d’épidémie, la réduction du nombre de lits d’hôpital ou l’insuffisance de matériel médical, l’épuisement du personnel soignant ? Ha ça non plus, c’est déjà fait ! Zut alors.

 

Mais bon, tant que j’ai du PQ…

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